dimanche 17 mai 2020



                              Collobrières


      Dans mon enfance à Collobrières , je fréquentais peu les enfants du village : ceux-ci me houspillaient en m'appelant «  banette «  (un haricot , allusion a mon nez aquilin )

      J'avais cependant un groupe d'amis voisins , de la famille Natter qui habitaient , le reste de l'année a Toulon . Il y avait d'abord : Marie-Paule , l'ainée puis : René-Jean qui devait , plus tard , se suicider ; Jean-Pierre , le favori de sa mère  car il n'était pas du même père !  et le petit Dominique que chacun portait a son dos quand nous remontions la rivière …

      Sandales plastique aux pieds , on pataugeait dans les eaux déjà basses du Réal-Collobrier , on farfouillait a mains nues dans les racines des aulnes pour attraper les anguilles . Autour de nous des chevesnes mais surtout des barbeaux et les couleuvres vipérines a l'affût au fond de l'eau qui se détendaient et saisissaient souvent un poisson bien plus grand qu'elles !
      On remontait encore jusqu'à la bambouseraie : de magnifiques bambous noirs qu'on chipait au proprio pour se fabriquer nos cannes a pêche …

      Il y avait en ce temps-là une scierie près de la rivière , celle de Guipponi ; et un jour avec René-Jean on trouva entre les piles de planches : une grosse lentilles de verre .Celle-ci avait été dérobée aux illuminations du village et réclamée en vain par la publication du garde-champêtre …
Quand nous l'avons rapportée a la Mairie , on nous a regardé bizarrement ! Le doute était dans l'air ! mais notre innocence nous protégeait !

      Une autre fois l'équipe toujours en vadrouille , Jean-Pierre avait piétiné avec délices le linge étendu a sécher sur l'herbe . Les plaintes étaient remontées jusqu'à Mme Victor et Mme Béchon qui avaient affirmé : «  nos petits enfants ne sont pas des menteurs ! « 

      On visitait aussi les maisons inhabitées qui étaient nombreuses a cette époque ( le village était passé de 3000 a moins de 1000 habitants ) Je me rappelle avoir grimpé , dans une fente entre deux maisons , en appui entre le dos et les jambes !!!

      Nous nous rassemblions avec d'autres voisins sur le toit en ciment d'une ancienne remise où Marie-Paule et Marie-Claude , en tutus , nous régalaient d'une danse artistique ...Tout cela se faisait avec des piaillements qui tenaient tout le quartier au courant de nos faits et gestes !!!

      Particulièrement bruyants étaient les jeux autour de la fontaine : on tournait la manivelle et on dirigeait le jet pour s'asperger ( plus tard la Mairie la ferait fermer pour garantir la sieste des voisins ! )

      Il y avait aussi les razzias sur le prunier Reine-Claude du jardin du Curé jusqu'à ce que la bonne nous fasse fuir !!!


      En ce temps-là , dans les rues , les ampoules étaient presque toutes cassées car c'était le grand jeu , au lance pierre , des enfants natifs du village . Plus tard ils continueraient en truffant de plombs les panneaux de signalisation au retour d'une chasse infructueuse !
Plus tard ils chasseraient de nuit le sanglier avec de puissantes torches !
Plus tard ils se retrouveraient midi et soir au bar chez Borrelo pour écluser de nombreux pastis !
Et le soir mettraient leur femme a la porte pour leur apprendre le respect et la docilité !

      Il y avait malgré les apports d'immigration italienne pas mal de consanguinité car les filiations n'étaient pas garanties .
Il y a eu des incestes , des morts suspectes.
Dans mon quartier les petites vieilles tombaient comme des mouches ; naturellement , elles avaient toutes le même médecin :
Un praticien atypique qui élevait des faisans dans des carcasses de voitures !

      A un certain moment le village s'est pris d'une passion pour l'argent facile ; on a vendu a très bas prix maisons et terrains pour s'acheter : frigidaires , cuisinières , machine a laver ; tous les délices du monde moderne !
Et c'est là que le village a commencé a perdre son âme !
Plus tard pour attirer les touristes toulonnais on multiplierait les fêtes a visée commerciales ; on irait même a faire couler le vin dans la fontaine devant la Mairie !!!


    Mais nous autres , enfants de la ville en vacances a Collobrières ; nous étions protégés                  par notre réelle INNOCENCE .

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